Communiqué de presse du 20 novembre 2017

Les archives sont essentielles pour tous !

Mardi 14 novembre fuitait dans la presse un document de travail interne au ministère de la Culture produit dans le cadre de sa contribution au « Comité d’action publique 2022 » ; cette démarche, initiée par le Premier ministre, vise à tracer les perspectives de l’action publique du Gouvernement d’ici à la fin du quinquennat, dans une optique affirmée de réduction de la dépense. Si les pistes évoquées devaient se concrétiser, l’Association des archivistes français souligne plusieurs points de vigilance.

lundi 20 novembre 2017
  • Imprimer

Tout d’abord, le docu­ment laisse une impres­sion de confu­sion entre les mis­sions des dif­fé­rents acteurs : parle-t-on uni­que­ment de celles que l’État a confiées au minis­tère de la Culture, chargé à la fois du pilo­tage d’une poli­ti­que natio­nale sur tous les volets (conser­va­tion, col­lecte, clas­se­ment, com­mu­ni­ca­tion), de l’orga­ni­sa­tion du contrôle scien­ti­fi­que et tech­ni­que, et de la conser­va­tion aux Archives natio­na­les des archi­ves des admi­nis­tra­tions cen­tra­les, ou bien – aussi – de celles des col­lec­ti­vi­tés, char­gées de la conser­va­tion de leurs archi­ves pro­pres et, pour cer­tai­nes d’entre elles (archi­ves dépar­te­men­ta­les), de celles de l’État déconcen­tré ? Par ailleurs, sur quels chif­fres se fonde-t-on ?

Première voie d’économie évoquée, « Limiter la col­lecte aux archi­ves essen­tiel­les ».
Dans l’air du temps, pro­po­sée aux acteurs du pay­sage archi­vis­ti­que fran­çais par le rap­port remis à la minis­tre par Christine Nougaret « Une stra­té­gie natio­nale pour la col­lecte et l’accès aux archi­ves publi­ques à l’ère du numé­ri­que », cette notion ne sau­rait se réduire à une simple équation comp­ta­ble qui aurait pour unique vertu de réduire le flux des ver­se­ments de 10 à 20 % et de réé­va­luer avec cette seule bous­sole les fonds déjà col­lec­tés. L’évaluation des docu­ments et la sélec­tion rai­son­née pour assu­rer les droits des per­son­nes et la docu­men­ta­tion his­to­ri­que de la recher­che est bien au cœur de la pra­ti­que pro­fes­sion­nelle des archi­vis­tes, et ce depuis les ori­gi­nes. L’adap­ta­tion de la notion d’« archi­ves essen­tiel­les », fami­lière au monde anglo-saxon, à la pra­ti­que archi­vis­ti­que fran­çaise néces­site une réflexion appro­fon­die, asso­ciant notam­ment archi­vis­tes et ges­tion­nai­res de docu­ments, afin d’abou­tir à un consen­sus appelé de ses vœux par la rap­por­teuse elle-même : elle ne sau­rait en aucun cas se réduire à un coup de baguette magi­que comp­ta­ble…
Les pro­po­si­tions du rap­port « Une stra­té­gie natio­nale pour la col­lecte et l’accès aux archi­ves publi­ques à l’ère numé­ri­que » méri­tent d’être lues, relues, dis­cu­tées, débat­tues, …
Dans cette opti­que et sans atten­dre l’uti­li­sa­tion par trop sim­pliste de cette pro­po­si­tion, l’Association des archi­vis­tes fran­çais, qui a contri­bué à ce rap­port, s’est pro­po­sée d’appro­fon­dir la réflexion dans le cadre de ses "Questions aux archi­vis­tes". Chaque adhé­rent, chaque ins­tance de l’AAF est appelé depuis la ren­trée à se pro­non­cer sur ce thème et à illus­trer ce concept afin de cons­truire une syn­thèse col­lec­tive.

Seconde piste d’économie pro­je­tée : « Rationaliser la répar­ti­tion des mis­sions entre régions et dépar­te­ments ».
Si le pay­sage ins­ti­tu­tion­nel local a effec­ti­ve­ment connu ces der­niè­res années de pro­fon­des muta­tions, qui sont loin d’être ache­vées (montée en puis­sance de l’inter­com­mu­na­lité, fusions de col­lec­ti­vi­tés réa­li­sées – régions – ou en projet – dépar­te­ments –, réor­ga­ni­sa­tion en miroir des admi­nis­tra­tions de l’État, expé­ri­men­ta­tions ren­dues pos­si­bles), il est essen­tiel que ces mou­ve­ments soient scru­pu­leu­se­ment et étroitement accom­pa­gnés du point de vue de la ges­tion des docu­ments, afin d’assu­rer la sécu­rité juri­di­que des per­son­nes et leur capa­cité à agir. Là encore, rien ne pourra se faire de façon plei­ne­ment satis­fai­sante pour le bien public sans des archi­vis­tes, suf­fi­sam­ment nom­breux, suf­fi­sam­ment formés et suf­fi­sam­ment sou­te­nus : il n’est pas sûr que la mutua­li­sa­tion à tout crin, si elle est iné­vi­ta­ble étant donné le contexte, doive se tra­duire par de dras­ti­ques économies sur les moyens dédiés et, sur­tout, un désen­ga­ge­ment de l’État…
Là encore, l’Association se mobi­lise, avec les « Questions aux archi­vis­tes » pro­po­sées à ses mem­bres : « Dessine-moi un ser­vice d’archi­ves » et « Quel posi­tion­ne­ment pour l’archi­viste ? »…

Enfin, le déve­lop­pe­ment de l’e-admi­nis­tra­tion et la numé­ri­sa­tion de vastes ensem­bles docu­men­tai­res, vus comme une néces­sité pour l’amé­lio­ra­tion du ser­vice au citoyen mais aussi comme une solu­tion économe des deniers publics, ne sau­rait se passer d’une réflexion de fond et d’une prise en compte des dif­fé­rents coûts induits : d’où tient-on que le coût de la conser­va­tion de 100 km d’archi­ves papier numé­ri­sées serait amorti sur 5 ans ? S’agit-il uni­que­ment d’archi­ves vouées à terme à la des­truc­tion ? La conser­va­tion défi­ni­tive d’archi­ves numé­ri­sées, si on inclut les coûts de main­te­nance des sys­tè­mes, de sto­ckage et de migra­tions qu’elle impli­que pour une durée par essence sans limite, pèsera sur les finan­ces publi­ques pour une durée bien plus longue…
Là encore, une réflexion plus large que de sim­ples consi­dé­ra­tions comp­ta­bles doit être pri­vi­lé­giée, en fai­sant des archi­vis­tes, spé­cia­lis­tes de ces ques­tions, des acteurs essen­tiels.

L’Association des archi­vis­tes fran­çais, forte de mem­bres tra­vaillant tant dans le cadre des minis­tè­res que dans celui des col­lec­ti­vi­tés, s’élève donc contre une poli­ti­que natio­nale pour les archi­ves qui ne serait dictée que par des consi­dé­ra­tions comp­ta­bles qui lais­sent entre­voir un désen­ga­ge­ment de l’État ; bien cons­ciente du contexte et des contrain­tes actuel­les, elle appelle à une réelle réflexion sur les sujets évoqués, qui ne pourra faire l’économie d’une impli­ca­tion forte des archi­vis­tes, de leurs com­pé­ten­ces et de leurs pro­po­si­tions, pour que ne soit pas mena­cée la sécu­rité juri­di­que du citoyen, ni bradée la cons­ti­tu­tion d’un patri­moine col­lec­tif.

À propos de l’AAF
Fondée en 1904, l’Association des archivistes français regroupe aujourd’hui plus de 1 900 adhérents, professionnels des archives du secteur public comme du secteur privé.
Consciente du défi que représente, dans le monde contemporain, la maîtrise de la production archivistique et de l’information qu’elle renferme, l’AAF se définit comme un organe permanent de réflexions, de formations et d’initiatives mis au service des sources de notre histoire, celles d’hier comme celles de demain. L’association entend en cela défendre les intérêts des professionnels, promouvoir le métier d’archiviste et sensibiliser le grand public à l’importance citoyenne des archives en France mais également à travers le monde.

Contacts : Alice Grippon - Delegation_generale@archivistes.org ou 01-46-06-40-12
Association des archivistes français -8 rue Jégo –75013 Paris - www.archivistes.org

Illustration : CC-BY-SA-3.0 Archives nationales / Atelier de photographie (Paris)



 Documents à télécharger


Retour en haut de la page