Communiqué de presse
Chaque jour, des millions de données de santé sont enregistrées dans les systèmes d’information des établissements de santé (hôpitaux, cliniques, etc.). Mais, lors des changements de logiciels, il arrive souvent qu’elles ne soient pas reprises, pour des questions techniques ou budgétaires. “Enfermées” dans leur logiciel de production, qui cesse d’être maintenu, ces données risquent d’être perdues à jamais.
Une situation alarmante qui menace à la fois les droits des patients, la qualité du suivi médical et la richesse de la recherche scientifique.
Le droit d’accès aux données de santé : un principe fondamental
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, a en effet introduit dans le Code de la santé publique un droit essentiel : celui pour chaque citoyen d’accéder aux informations médicales qui le concernent. Ce texte fondateur consacre la transparence et la qualité du système de santé français.
Ce droit repose notamment sur la conservation par les établissements de santé, sur le temps long, d’informations médicales individuelles de qualité.
Le dossier patient : un outil pour le suivi médical et la recherche scientifique
La Haute Autorité de Santé (HAS) promeut depuis plusieurs années la mise en place d’un dossier patient unique, rassemblant l’ensemble des informations médicales produites par un établissement de santé dans le cadre de la prise en charge d’un individu. Sa constitution et sa bonne gestion dans le temps garantit la continuité des soins, la traçabilité des décisions médicales et donne la possibilité, pour chaque individu, d’exercer ses droits d’accès et de rectification (dans le cadre du RGPD, notamment). Quand il est produit par un établissement de santé public, le dossier patient relève des archives publiques. Ce dossier, de plus en plus informatisé, constitue donc un atout majeur pour la coordination des soins, mais aussi pour la recherche médicale, qui peut ainsi disposer de séries documentaires continues, fiables et contextualisées.
Selon la réglementation, ces données doivent être conservées intégralement au moins 20 ans à compter du dernier passage de la personne concernée dans un établissement de santé (ou 10 ans à compter de son décès).
Une menace silencieuse : la perte de données lors des migrations
Les établissements de santé changent de logiciels. À cette occasion, les données relatives aux patients devraient être transférées de l’ancien vers le nouveau système, ce qui n’est pas toujours le cas. Par manque de temps, de moyens, ou faute de choisir des outils adaptés, une partie des informations reste conservée dans des applications qui ne sont plus maintenues. À terme, celles-ci peuvent totalement cesser de fonctionner, rendant l’accès aux données impossible.
Les conséquences sont graves :
- Atteinte au droit des patients à consulter ou obtenir une copie de leur dossier (prévu par le Code de la santé publique et le RGPD) ;
- Perte d’informations médicales nécessaires à l’historique médical, à la qualité du suivi et à la sécurité des soins ;
- Appauvrissement des données disponibles pour la recherche clinique future, essentielle à l’innovation et à la santé publique ;
- Non-respect des obligations pour les recherches déjà réalisées.
Appel à l’action
Parce qu’il ne s’agit pas d’un simple problème technique, voire d’un sujet propre aux archivistes, l’Association des archivistes français appelle donc à une prise de conscience collective et à des mesures concrètes pour préserver la mémoire numérique de la santé :
- Intégrer les compétences des archivistes, spécialistes de la gestion de la donnée, au cœur de tout projet de changement de logiciel, afin d’assurer la conservation et la reprise des données dans le respect des obligations légales applicables en matière d’archives (respect du cycle de vie des documents, du sort final des données, notamment) ;
- Prévoir les moyens nécessaires, dès la conception des projets informatiques, pour garantir la conservation des données autant de temps que nécessaire ;
- Exiger des éditeurs de logiciels qu’ils garantissent l’interopérabilité des données, c’est-à-dire la possibilité de les extraire, de les intégrer à un nouveau logiciel et donc de les conserver indépendamment du logiciel qui les a produites ;
D’une façon générale, il est nécessaire de renforcer les compétences archivistiques au sein des établissements de santé, levier d’efficacité, de transparence et de protection du service public hospitalier, compétences essentielles notamment au moment de se doter d’outils de conservation numérique.
Les données de santé ne sont pas de simples fichiers techniques : elles sont le reflet de notre histoire médicale individuelle et collective, le support de nos droits et la matière première de la recherche scientifique.
Protéger ces données, c’est protéger les citoyens, les patients, la qualité du soin et la mémoire de la santé publique.
CONTACT
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