La Gazette des archives

N°266 Publication

Les archives de l’enfance

n° 266 (2022-2)

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Deuxième numéro de l’abonnement 2022
ISSN : 0016-5522
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Si l’enfance est un objet d’archives, notamment à travers celles produites dans le cadre des politiques publiques portant sur l’éducation, la protection ou encore l’adoption, les enfants en sont aussi sujet depuis la constitution de dossiers jusqu’à la valorisation auprès d’eux et de publics adultes de documents les concernant.
À travers seize contributions émanant d’archivistes et d’historien·ne·s, ce numéro de La Gazette des archives entend embrasser le plus largement possible la question des archives de l’enfance. Ces articles permettent de nourrir la réflexion archivistique autour de trois grands axes : archiver l’enfance, retrouver l’enfance au travers des archives, et utiliser celles-ci comme outils mêmes de la protection de l’enfance.

Ce numéro a été coordonné par Hélène Guichard-Spica, Viviane Frings-Hessami et Lydie Porée, avec le soutien de Lydiane.

SOMMAIRE

Archiver l’enfance

 Archiver l’Aide Sociale à l’Enfance : retour sur une ébauche de stra­té­gie pour les Yvelines, par Constance DE TOURNADRE

 Mise en place d’une poli­ti­que de col­lecte des archi­ves des établissements sco­lai­res du pre­mier degré en Ille-et-Vilaine. Aspects métho­do­lo­gi­ques, par Sandra GROSCLAUDE

 Le fonds CIDEF : une his­toire riche en péri­pé­ties, par Damien HAMARD

 La col­lecte en cours des archi­ves de la pro­tec­tion judi­ciaire de la jeu­nesse en Ille-et-Vilaine : cons­tats, décou­ver­tes et pistes de tra­vail, par Mathilde PINTAULT

 L’enfance der­rière les bar­reaux dans le dépar­te­ment du Morbihan, par Marie GÉRAUD

Enfance et enfants au tra­vers des archi­ves

 L’enfant, les archi­ves de l’enfance et les pro­duc­tions enfan­ti­nes : une reconnais­sance pro­gres­sive, par Coline BRIGNON

 De l’objet au sujet. Les traces des enfants et des ado­les­cents dans les fonds des Archives muni­ci­pa­les de Lyon, par Louis FAIVRE D’ACIER

 Jeunes et his­toi­res, his­toi­res de jeunes. Retour sur une expé­rience auprès d’un public sco­laire empê­ché, par Sophie EHOUARNE, Catherine DOLGHIN, Christine CORMAND et Céline ROGE

 Les enfants aux Archives : quel­les média­tions avec le numé­ri­que ?, par Mathilde DEUVE et Hélène GUICHARD-SPICA

 Exposer l’enfance, par Alexandre CHEVAILLIER

 Enseigner l’his­toire des archi­ves au tra­vers des docu­ments de l’enfance, par Elisabeth C. MACKNIGHT

Des archi­ves pour pro­té­ger l’enfance

 Les archi­ves de l’adop­tion inter­na­tio­nale, par Cécile LOMBARD, Christine MARTINEZ, Véronique PARMENTIER et Michel THIBAULT

 Archives de l’enfance : le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archi­ves-Accès), par Elizabeth SHEPHERD, Anna SEXTON, Elizabeth LOMAS et Peter WILLIAMS

 Les vio­len­ces sexuel­les sur mineurs dans l’Église : l’enquête de la Commission indé­pen­dante sur les abus sexuels, par Philippe PORTIER, Paul AIRIAU, Thomas BOULLU et Anne LANCIEN

 Panser la ges­tion des dos­siers pour penser la pro­tec­tion de l’enfance ? Les enjeux d’une réflexion archi­vis­ti­que qui replace l’humain au centre, par Adélaïde LALOUX

 De la consul­ta­tion des dos­siers ins­ti­tu­tion­nels au par­tage de ses don­nées per­son­nel­les : les archi­ves dans le droit aux ori­gi­nes pour les enfants aban­don­nés et adop­tés aujourd’hui, par Julie VÉDRINES

RÉSUMÉ DES ARTICLES

Archiver l’enfance

 Archiver l’Aide Sociale à l’Enfance : retour sur une ébauche de stra­té­gie pour les Yvelines, par Constance DE TOURNADRE
Cet arti­cle offre un compte rendu d’un tra­vail sol­li­cité par les Archives dépar­te­men­ta­les des Yvelines (AD 78) dans le cadre du stage de spé­cia­lité à l’Institut natio­nal du patri­moine. La com­mande était de pro­po­ser une stra­té­gie d’archi­vage papier et numé­ri­que de la fonc­tion d’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) dans les Yvelines, en par­tant de l’iden­ti­fi­ca­tion des pro­duc­teurs, puis docu­ments, don­nées et méta­don­nées. Concrètement, était attendu d’abord un bilan de la col­lecte des AD 78 dans le domaine de la pro­tec­tion de l’enfance en géné­ral, afin de faci­li­ter et guider le tra­vail futur du ser­vice, notam­ment par des sug­ges­tions de prio­ri­tés et de réé­va­lua­tions. Ce bilan pros­pec­tif devait être suivi d’une pro­po­si­tion de stra­té­gie pour le déploie­ment de la déma­té­ria­li­sa­tion glo­bale et sécu­ri­sée du dis­po­si­tif d’ASE seul, et en par­ti­cu­lier des dos­siers d’enfants pro­té­gés. Après avoir pré­senté le contexte et les rai­sons jus­ti­fiant cette com­mande à deux échelles, l’arti­cle s’atta­che à décrire la démar­che adop­tée pour y répon­dre en deux temps. Il pré­sente ensuite, pour cha­cune de ces étapes du tra­vail, les prin­ci­paux résul­tats obte­nus ainsi que les pré­co­ni­sa­tions sou­mi­ses aux archi­vis­tes comme aux métiers pour per­met­tre la mise en œuvre d’une col­lecte et d’un archi­vage cohé­rents des domai­nes concer­nés dans un contexte déma­té­ria­lisé.

 Mise en place d’une poli­ti­que de col­lecte des archi­ves des établissements sco­lai­res du pre­mier degré en Ille-et-Vilaine. Aspects métho­do­lo­gi­ques, par Sandra GROSCLAUDE
S’inté­res­ser aux archi­ves des établissements sco­lai­res d’un dépar­te­ment s’ins­crit dans une démar­che qui revêt plu­sieurs enjeux. Les col­lec­ter permet à la fois d’écrire l’his­toire de l’éducation, et de sécu­ri­ser des infor­ma­tions à valeur pro­bante. Pour répon­dre à ces enjeux, établir une métho­do­lo­gie (et donc une poli­ti­que de col­lecte) est apparu aux Archives dépar­te­men­ta­les d’Ille-et-Vilaine comme néces­saire. En pas­sant par un état des lieux des fonds pré­sents, par la défi­ni­tion du péri­mè­tre de col­lecte, par les recher­ches de retours d’expé­rien­ces et les pre­miè­res réflexions, cet arti­cle retrace la genèse d’un projet tou­chant aux archi­ves de l’enfance et qui est tou­jours en cours. Sa mise en œuvre ainsi que les pre­miers retours des établissements sco­lai­res contri­buent à pren­dre la mesure de l’enver­gure d’un tel chan­tier mais également l’impor­tance d’un des rôles fon­da­men­taux de l’archi­viste : le conseil et l’accom­pa­gne­ment des ser­vi­ces pro­duc­teurs d’archi­ves publi­ques.

 Le fonds CIDEF : une his­toire riche en péri­pé­ties, par Damien HAMARD
Le fonds CIDEF, en rejoi­gnant les maga­sins de la biblio­thè­que uni­ver­si­taire de l’uni­ver­sité d’Angers, ren­force quan­ti­ta­ti­ve­ment et qua­li­ta­ti­ve­ment les fonds du centre d’archi­ves spé­cia­li­sés qui vient d’ouvrir. Pourtant, quel­ques années plus tard, la redé­cou­verte d’une partie des docu­ments sur un autre campus ange­vin indi­que que l’inté­rêt ini­tial pour le fonds s’est ame­nuisé. L’arti­cle revient sur l’his­toire du fonds d’archi­ves, tout en pré­sen­tant les prin­ci­pa­les typo­lo­gies docu­men­tai­res acces­si­bles pour le cher­cheur, avant de démon­trer com­ment la fron­tière est par­fois ténue entre désin­té­rêt fac­tuel et mise en lumière.

 La col­lecte en cours des archi­ves de la pro­tec­tion judi­ciaire de la jeu­nesse en Ille-et-Vilaine : cons­tats, décou­ver­tes et pistes de tra­vail, par Mathilde PINTAULT
Depuis le prin­temps 2021, les Archives dépar­te­men­ta­les d’Ille-et-Vilaine mènent une poli­ti­que active de col­lecte auprès des ser­vi­ces de la pro­tec­tion judi­ciaire de la jeu­nesse. Au cours de ces 18 mois de tra­vail, plu­sieurs axes se sont déga­gés : un fort besoin d’accom­pa­gne­ment des ser­vi­ces pro­duc­teurs pour leur per­met­tre d’effec­tuer un archi­vage cou­rant et inter­mé­diaire effi­cace ; la néces­sité de pro­cé­der à l’évaluation sys­té­ma­ti­que des dos­siers indi­vi­duels avant leur col­lecte et de ne pas la déconnec­ter de col­lec­tes satel­li­tes (juri­dic­tions pour mineurs notam­ment) ; l’impor­tance de col­lec­ter d’autres docu­ments, ceux qui font enten­dre la voix des enfants et ado­les­cents, et qui racontent l’his­toire du groupe.

 L’enfance der­rière les bar­reaux dans le dépar­te­ment du Morbihan, par Marie GÉRAUD
Cet arti­cle offre une vision des mis­sions de l’archi­viste à tra­vers la thé­ma­ti­que de l’enfance délin­quante. Il aborde des ques­tion­ne­ments actuels sur la col­lecte : la sélec­tion qui doit s’adap­ter aux lacu­nes et aux par­ti­cu­la­ri­tés de chaque ter­ri­toire, la dif­fi­culté de mettre en œuvre la col­lecte de don­nées numé­ri­ques dans les tri­bu­naux, notam­ment pour les archi­ves indis­pen­sa­bles à la recher­che que sont les regis­tres, mais aussi la dif­fi­culté pour retrou­ver des archi­ves pri­vées des congré­ga­tions reli­gieu­ses qui avaient pour­tant une mis­sion de ser­vice public avant l’heure. S’agis­sant du clas­se­ment se pose la ques­tion du res­pect des fonds dans le cas de l’uni­cité d’un fonds dont le pro­duc­teur n’avait pas de logi­que de clas­se­ment mais aussi celle de la rédac­tion de bases de don­nées à l’heure du règle­ment géné­ral sur la pro­tec­tion des don­nées. En ce qui concerne les sour­ces, l’inté­rêt est porté dans cet arti­cle sur les bases de don­nées d’ins­ti­tu­tions natio­na­les par­fois méconnues. Enfin est évoquée la manière dont l’archi­viste s’intè­gre dans des pro­jets scien­ti­fi­ques et des opé­ra­tions de valo­ri­sa­tion face à un sujet très média­tisé qui inté­resse
de nom­breux par­te­nai­res.

Enfance et enfants au tra­vers des archi­ves

 L’enfant, les archi­ves de l’enfance et les pro­duc­tions enfan­ti­nes : une reconnais­sance pro­gres­sive, par Coline BRIGNON
L’enfant est de nos jours une per­sonne à part entière. Sa parole, ses désirs, et son épanouissement sont les préoc­cu­pa­tions pre­miè­res de ses parents et des ins­ti­tu­tions qui l’enca­drent. Or, l’enfant n’a pas tou­jours eu cette place dans la société. Cet arti­cle est voué à étudier cette reconnais­sance pro­gres­sive de l’enfant à tra­vers la place qu’il peut avoir, ainsi que ses docu­ments, dans les ser­vi­ces d’archi­ves. En effet, avec l’évolution de sa prise en consi­dé­ra­tion par la famille et l’État, une masse docu­men­taire en lien avec l’enfant est appa­rue. Il devient un sujet fon­da­men­tal pour cer­tai­nes ins­ti­tu­tions comme l’école. Les poli­ti­ques d’archi­vage ont donc dû s’adap­ter et pren­dre en charge de nou­vel­les sour­ces. Les ser­vi­ces d’archi­ves ont également dû comp­ter l’enfant parmi leur public et appren­dre à lui dédier des ser­vi­ces. Toutefois, la ques­tion de la prise en consi­dé­ra­tion de sa parole reste com­plexe à tra­vers l’exem­ple des archi­ves. Les archi­ves pro­dui­tes par la main de l’enfant peu­vent être pré­sen­tes dans les dos­siers des ins­ti­tu­tions ou des famil­les, mais qu’en est-il de leur trai­te­ment et visi­bi­lité ?

 De l’objet au sujet. Les traces des enfants et des ado­les­cents dans les fonds des Archives muni­ci­pa­les de Lyon, par Louis FAIVRE D’ACIER
Trois points de vue dis­tincts peu­vent être rete­nus pour abor­der la ques­tion de l’enfance dans les archi­ves de la ville de Lyon. Ces points de vue trans­cen­dent les fonds mais reflè­tent dif­fé­ren­tes pos­tu­res de la part des ins­ti­tu­tions, et des enfants concer­nés. Certaines archi­ves ren­sei­gnent leur lec­teur sur la conduite des poli­ti­ques publi­ques de l’enfance, dans leurs dif­fé­ren­tes décli­nai­sons. D’autres, les plus volu­mi­neu­ses, pré­sen­tent des enfants en tant qu’objet de soin, d’éducation, de prise en charge. D’autres enfin, les plus rares, don­nent à voir ou à enten­dre des mineurs. Les Archives muni­ci­pa­les de Lyon offrent ainsi un large panel de sour­ces sur l’enfance, com­plé­men­tai­res d’archi­ves issues d’ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées. Pour la période contem­po­raine, le défi du numé­ri­que est par­ti­cu­liè­re­ment sen­si­ble, compte tenu des enjeux de pro­tec­tion de l’enfance, et cons­ti­tue à plus d’un titre une remise en ques­tion pas­sion­nante.

 Jeunes et his­toi­res, his­toi­res de jeunes. Retour sur une expé­rience auprès d’un public sco­laire empê­ché, par Sophie EHOUARNE, Catherine DOLGHIN, Christine CORMAND et Céline ROGE
Depuis de nom­breu­ses années, les média­tri­ces des ser­vi­ces des Archives dépar­te­men­ta­les des Côtes-d’Armor et des Archives muni­ci­pa­les de Saint-Brieuc, en col­la­bo­ra­tion avec la pro­fes­seure des écoles et de l’éducatrice pour jeunes enfants du centre hos­pi­ta­lier, orga­ni­sent des ani­ma­tions péda­go­gi­ques et cultu­rel­les dans la salle de classe des ser­vi­ces pédia­tri­ques de l’hôpi­tal Yves-Le-Foll de Saint-Brieuc. Les média­tri­ces sont ainsi ame­nées à cons­truire des séan­ces ori­gi­na­les pour un jeune public éloigné dans le cadre par­ti­cu­lier du monde hos­pi­ta­lier. Des séan­ces qui s’avè­rent au final très for­ma­tri­ces à titre pro­fes­sion­nel mais aussi per­son­nel.

 Les enfants aux Archives : quel­les média­tions avec le numé­ri­que ?, par Mathilde DEUVE et Hélène GUICHARD-SPICA
Lorsque l’on parle de média­tion dans les archi­ves, la place de l’enfant est grande : il s’agit essen­tiel­le­ment des élèves, qua­li­fiés sous le terme de « public sco­laire ». L’offre péda­go­gi­que est sans conteste forte, cepen­dant, elle a été lar­ge­ment renou­ve­lée ces der­niè­res années par le déve­lop­pe­ment tou­jours plus pré­gnant du numé­ri­que. Au tra­vers du retour d’expé­rience des Archives dépar­te­men­ta­les des Yvelines et de son appro­che de la média­tion numé­ri­que auprès des enfants sur près d’une ving­taine d’années, il convient de s’inter­ro­ger sur les muta­tions des usages numé­ri­ques, de la cons­truc­tion de connais­san­ces et sur de nou­vel­les capa­ci­tés à expé­ri­men­ter et par­ta­ger des savoirs.

  Exposer l’enfance, par Alexandre CHEVAILLIER
L’his­to­rio­gra­phie de l’enfance est née sous la plume de Philippe Ariès. Depuis la fin du XXe siècle, cette science moderne a connu une évolution ful­gu­rante. La reconnais­sance du statut de l’enfant et les muta­tions de la famille au fil des siè­cles ont engagé à déve­lop­per une véri­ta­ble poli­ti­que de la pro­tec­tion de l’enfance. En la matière, la Meurthe-et-Moselle est pion­nière dès le XIXe siècle grâce à l’impli­ca­tion de méde­cins dévoués à la cause infan­tile. Dans un contexte de moder­ni­sa­tion des lois sur la pro­tec­tion de l’enfance, le Conseil dépar­te­men­tal de Meurthe-et-Moselle a sou­haité réa­li­ser une expo­si­tion dédiée au monde de l’enfance, pré­sen­tée à partir de février 2008. Ce tra­vail de valo­ri­sa­tion a su rete­nir l’atten­tion au sein du ter­ri­toire. En por­tant un regard rétros­pec­tif, le bilan reste tou­te­fois mitigé en termes d’enri­chis­se­ment des fonds privés de l’enfance et d’exploi­ta­tion à des fins scien­ti­fi­ques. L’inté­rêt du grand public pour la généa­lo­gie permet quant à lui de mettre plei­ne­ment en lumière le contenu de l’expo­si­tion, avec une sol­li­ci­ta­tion plus pré­gnante sur les ques­tions des enfants aban­don­nés. Aujourd’hui encore, des opé­ra­tions de trai­te­ment d’archi­ves entrent en réso­nance avec l’expo­si­tion « Enfance », qui fête en 2023 ses quinze ans.

 Enseigner l’his­toire des archi­ves au tra­vers des docu­ments de l’enfance, par Elisabeth C. MACKNIGHT
À tra­vers l’étude de docu­ments de l’enfance pro­ve­nant d’archi­ves pri­vées, une his­to­rienne d’ori­gine aus­tra­lienne pro­pose une réflexion sur l’his­toire des archi­ves aux étudiants écossais en cours magis­tral d’his­toire à la faculté. Cet arti­cle montre que le tra­vail des his­to­riens sur les sour­ces docu­men­tai­res est un sujet qui sus­cite beau­coup d’inté­rêt chez les jeunes. Mais, en paral­lèle, le tra­vail des archi­vis­tes reste mas­si­ve­ment inconnu. Une intro­duc­tion aux codes, termes, et concepts du métier se révé­le­rait essen­tielle. Les étudiants s’inter­ro­gent sur la pré­ser­va­tion et la des­truc­tion des archi­ves, le droit à l’accès, la pré­sence des objets dans les fonds, et les regards des adul­tes sur le vécu enfan­tin.

Des archi­ves pour pro­té­ger l’enfance

 Les archi­ves de l’adop­tion inter­na­tio­nale, par Cécile LOMBARD, Christine MARTINEZ, Véronique PARMENTIER et Michel THIBAULT
Depuis 2020, Archivistes sans fron­tiè­res – Section France a été suc­ces­si­ve­ment sol­li­ci­tée par les auto­ri­tés char­gées de l’adop­tion inter­na­tio­nale en Éthiopie, au Sénégal, puis en Côte d’Ivoire, afin d’inter­ve­nir en vue de la sau­ve­garde des dos­siers d’adop­tion. Dans un contexte admi­nis­tra­tif et juri­di­que éminemment varia­ble d’un pays à l’autre, il s’agit à chaque fois de garan­tir la conser­va­tion de ces dos­siers et leur com­mu­ni­ca­tion aux ayants droit, et en défi­ni­tive de garan­tir le droit des adop­tés à connaî­tre leurs ori­gi­nes, confor­mé­ment au prin­cipe posé par l’arti­cle 30 de la Convention de La Haye de 1993. Les inter­ven­tions d’AsF-France s’ins­cri­vent dans le cadre de l’action menée par la Mission de l’adop­tion inter­na­tio­nale du minis­tère fran­çais de l’Europe et des Affaires étrangères et par le Service social inter­na­tio­nal France, tout par­ti­cu­liè­re­ment le projet RACINE, qui consiste à accom­pa­gner les adop­tés dans la recher­che de leurs ori­gi­nes. Elles répon­dent également aux prio­ri­tés défi­nies par la Section sur le Archives et les Droits de l’Homme du Conseil inter­na­tio­nal des archi­ves, dans son pro­gramme d’actions 2021-2024, en faveur de l’accès aux docu­ments d’iden­tité et de la défense des droits des enfants.

 Archives de l’enfance : le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archi­ves-Accès), par Elizabeth SHEPHERD, Anna SEXTON, Elizabeth LOMAS et Peter WILLIAMS – arti­cle dis­po­ni­ble en langue ori­gi­nale (anglais) et tra­duit en fran­çais par Laura CHARDAR.
Les enfants et les jeunes vivant en dehors du foyer fami­lial, par exem­ple en famille d’accueil, dans des foyers ou dans d’autres struc­tu­res d’accueil, pris en charge par les auto­ri­tés loca­les ou par des asso­cia­tions pour enfants, souf­frent sou­vent, tout au long de leur vie, de réper­cus­sions sur leur bien-être, leur sen­ti­ment d’appar­te­nance et d’iden­tité et leur per­cep­tion d’eux-mêmes. Les per­son­nes ayant été dans cette situa­tion peu­vent être pri­vées de récits fami­liaux, en par­ti­cu­lier lors­que leur expé­rience a été com­plexe, bou­le­ver­sée ou trau­ma­ti­sante. La vie des enfants pris en charge est docu­men­tée par les tra­vailleurs sociaux, les famil­les d’accueil et d’autres per­son­nes dans des « dos­siers de prise en charge ». La lit­té­ra­ture dans les domai­nes du tra­vail social et des études archi­vis­ti­ques sug­gère que ce qui est écrit sur les enfants et les jeunes dans les dos­siers de l’aide sociale à l’enfance peut avoir un impact signi­fi­ca­tif sur leur vie, alors qu’ils ne sont pas tou­jours capa­bles de répon­dre aux ques­tions les plus élémentaires, comme « pour­quoi ai-je été placé(e) ? ». Le projet MIRRA (Mémoire-Identité-Droit aux archi­ves-Accès) est un projet de recher­che par­ti­ci­pa­tif mené au sein du dépar­te­ment des études de l’infor­ma­tion de l’University College de Londres (UCL), qui étudie l’expé­rience des anciens enfants placés cher­chant à obte­nir leur dos­sier en Angleterre, mais les droits des anciens enfants placés concer­nant l’accès à leur dos­sier sont également étudiés dans de nom­breux autres pays, notam­ment en Australie et au Canada.

 Les vio­len­ces sexuel­les sur mineurs dans l’Église : l’enquête de la Commission indé­pen­dante sur les abus sexuels, par Philippe PORTIER, Paul AIRIAU, Thomas BOULLU et Anne LANCIEN
Cet arti­cle revient de façon détaillée sur les diver­ses sour­ces consul­tées et sur la métho­do­lo­gie suivie par l’équipe de recher­che socio-his­to­ri­que de la Commission indé­pen­dante sur les abus sexuels dans l’Église de France : archi­ves publi­ques et archi­ves de l’Église de France ; presse, témoi­gna­ges, comp­tes géné­raux de la jus­tice. Sont également expo­sées les prin­ci­pa­les don­nées tirées de ces sour­ces concer­nant les mineurs abusés. Si les vic­ti­mes sont sou­vent absen­tes des dos­siers consul­tés dans les archi­ves jusqu’aux années 1990, le groupe de recher­ches socio-his­to­ri­ques est malgré tout par­venu à iden­ti­fier nombre de carac­té­ris­ti­ques les concer­nant, préa­la­ble­ment à cette décen­nie, en croi­sant les infor­ma­tions et les sour­ces dis­po­ni­bles.

 Panser la ges­tion des dos­siers pour penser la pro­tec­tion de l’enfance ? Les enjeux d’une réflexion archi­vis­ti­que qui replace l’humain au centre, par Adélaïde LALOUX
L’écoute des anciens de la pro­tec­tion de l’enfance permet de cons­ta­ter à quel point les archi­ves qui les concer­nent peu­vent être cons­ti­tu­ti­ves d’une iden­tité et por­teu­ses d’un lien tout à fait par­ti­cu­lier. Marie-Christine, au cours de sa quête, reven­di­que une forme de pro­priété de ces docu­ments qu’elle consi­dère comme privés : « Ce sont des his­toi­res per­son­nel­les, ce sont des vies, on donne, on ne garde pas pour soi la vie de quelqu’un d’autre. » Les dif­fi­cultés d’accès à ces dos­siers jus­ti­fient et néces­si­tent une réflexion archi­vis­ti­que spé­ci­fi­que pour par­ve­nir à une consul­ta­tion de ces archi­ves qui réponde mieux aux besoins des anciens de la pro­tec­tion de l’enfance.

 De la consul­ta­tion des dos­siers ins­ti­tu­tion­nels au par­tage de ses don­nées per­son­nel­les : les archi­ves dans le droit aux ori­gi­nes pour les enfants aban­don­nés et adop­tés aujourd’hui, par Julie VÉDRINES
Si l’impor­tance d’avoir une trace des enfants aban­don­nés met du temps à se mettre en place, en France, jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, le recueil d’infor­ma­tions concer­nant ces enfants est aujourd’hui régle­menté et obli­ga­toire. À tra­vers les dos­siers d’hôpi­taux et de l’Aide Sociale à l’Enfance, enca­drés par le Conseil natio­nal pour l’accès aux ori­gi­nes, ces enfants peu­vent désor­mais accé­der à leurs ori­gi­nes. Cependant, les résul­tats ne sont pas tou­jours à la hau­teur de leurs atten­tes et la cons­truc­tion iden­ti­taire s’avère dif­fi­cile. Les per­son­nes aban­don­nées et adop­tées en quête de leur his­toire n’hési­tent donc pas à faire usage de leurs don­nées per­son­nel­les en uti­li­sant les réseaux sociaux ou en se pro­cu­rant des tests ADN. Leur sen­si­bi­lité accrue à l’his­toire et aux sour­ces les pousse par­fois à deve­nir elles-mêmes des pro­duc­tri­ces d’archi­ves dans le but de lais­ser une trace de leur exis­tence et de remet­tre la main sur une his­toire qui ne leur est pas tou­jours acces­si­ble. La poli­ti­que archi­vis­ti­que et les acteurs de l’archi­vage (ser­vi­ces pro­duc­teurs et archi­vis­tes) jouent ainsi des rôles non négli­gea­bles dans l’appro­pria­tion et les répon­ses dont ont besoin les enfants aban­don­nés et adop­tés.

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