Conservateur du patrimoine

Directrice des Archives municipales de Bordeaux

Propos d’Agnès Vatican, recueillis en 2005

Agnès VATICAN   mardi 13 septembre 2005
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1. Comment avez-vous voulu devenir archiviste ? Peut-on parler d’une vocation ?

On peut parler d’une voca­tion. J’aimais beau­coup l’Histoire, et, au col­lège, en classe de troi­sième, j’ai gagné le concours « l’Historien de demain », qui était alors orga­nisé par la Direction des archi­ves de France. Avec une amie, nous avons donc été récom­pen­sées : nous sommes allées à Paris, visi­ter le Centre Historique des Archives Nationales, nous avons ren­contré le direc­teur des archi­ves de France de l’époque... C’est de là qu’est venu mon désir de deve­nir archi­viste.

Par la suite, j’ai tout fait pour me pré­pa­rer au mieux à ma future pro­fes­sion... J’ai fait une prépa Chartes au lycée Pierre de Fermat, à Toulouse, puis j’ai fait l’Ecole des Chartes et l’Institut du Patrimoine. A l’Ecole des Chartes, le côté « recher­che his­to­ri­que » me man­quait un peu, même s’il était assez pré­sent, par le biais de la thèse que nous avons à faire. J’ai donc décidé, deux ans après le début de ma car­rière, de refaire de la recher­che à la Casa de Velázquez, à Madrid (grand établissement fran­çais à l’étranger, au même titre que l’Ecole Française de Rome, d’Athènes...).

2. Quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai fait tout d’abord de longs stages aux Archives dépar­te­men­ta­les de Charente-Maritime, ainsi qu’à la mis­sion des Archives natio­na­les auprès du minis­tère des DOM-TOM. Ces stages ont cons­ti­tué une très bonne ini­tia­tion. Puis j’ai com­mencé ma car­rière comme adjointe du direc­teur des Archives dépar­te­men­ta­les de la Somme. Je m’occu­pais des contacts avec les ser­vi­ces ver­sants, de pro­jets autour de l’infor­ma­ti­sa­tion du ser­vice : elle avait déjà été en partie enta­mée, mais il s’agis­sait de pro­po­ser de nou­vel­les évolutions, de suivre le fonc­tion­ne­ment du logi­ciel uti­lisé, de vali­der sa nou­velle ver­sion. Il fal­lait s’assu­rer qu’il était bien uti­lisé, former les agents du ser­vice...

Tous les contacts avec les ser­vi­ces du dépar­te­ment étaient très enri­chis­sants : on décou­vre d’autres métiers, on a une vision pré­cise du fonc­tion­ne­ment admi­nis­tra­tif.

Après mon expé­rience à la Casa de Velázquez puis dans la suite de mes recher­ches, je suis rede­ve­nue un « usager » des ser­vi­ces d’archi­ves... Quand je suis reve­nue, après mon expé­rience d’adjointe, vrai­ment enri­chis­sante, j’avais envie de passer à quel­que chose de dif­fé­rent. J’ai eu l’oppor­tu­nité, en 2000, de trou­ver un poste comme direc­teur des Archives muni­ci­pa­les de Bordeaux.

3. Comment se passe votre travail au quotidien ?

C’est un métier très com­plet, avec beau­coup de ter­rain sur cer­tains dos­siers. J’ai des mis­sions d’enca­dre­ment - il y a treize per­son­nes dans mon ser­vice, de suivi des dos­siers géné­raux, je suis en rela­tion avec les autres ins­ti­tu­tions cultu­rel­les de la ville... Je m’occupe également, pour une large part, de ce qui est lié à l’infor­ma­ti­sa­tion du ser­vice, à la mise en valeur des archi­ves, à la res­tau­ra­tion des docu­ments. Pour ce qui est des fonds privés qui sont conser­vés par les Archives muni­ci­pa­les de Bordeaux, je suis en contact avec les pro­prié­tai­res. Je m’occupe aussi de l’enri­chis­se­ment de nos col­lec­tions, notam­ment par le biais d’achats de docu­ments.
Je suis de près, également, tous les grands chan­tiers, avec mes col­la­bo­ra­teurs. Depuis 2000, le ser­vice a beau­coup changé. A mon arri­vée, on m’a demandé de défi­nir des objec­tifs pour le ser­vice, de faire un audit, de faire des pro­po­si­tions pour le faire évoluer. J’ai donc fait un schéma direc­teur, à moyen et long terme. Par la suite, il a fallu mettre en œuvre ces pro­po­si­tions, réunir les agents du ser­vice, pro­gram­mer des for­ma­tions...

4. Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Le fait d’être en rela­tion avec l’Histoire me plaît par­ti­cu­liè­re­ment bien sûr, mais il y a aussi tout un aspect maté­riel et concret, qui fait que j’ai l’impres­sion de « lais­ser ma trace ». Quand on a classé un fonds, quand on a par­ti­cipé à l’infor­ma­ti­sa­tion d’un ser­vice, on peut voir un résul­tat concret, et dura­ble, de son tra­vail. Ce que j’ai à faire est très varié, cela va de peti­tes choses pra­ti­ques, à régler au quo­ti­dien, comme un pro­blème avec les gout­tiè­res de mon bâti­ment, par exem­ple, à la défi­ni­tion des gran­des mis­sions du ser­vice ! L’aspect concret de ce métier me plaît beau­coup, tout comme la pos­si­bi­lité d’avoir des acti­vi­tés plus « intel­lec­tuel­les ».

Le rap­port trans­ver­sal que nous avons, avec les ser­vi­ces de la ville, avec les autres ins­ti­tu­tions cultu­rel­les, avec les par­ti­cu­liers, avec les asso­cia­tions loca­les, est pas­sion­nant. On voit tous les pro­jets qui se mon­tent dans une ville, on peut être amené à y par­ti­ci­per.

5. Quels seront pour vous les principaux enjeux pour la profession d’archiviste à l’avenir ?

Je pense qu’il faut que nous conser­vions les deux aspects de notre mis­sion d’archi­viste : notre rôle admi­nis­tra­tif, ainsi que notre rôle cultu­rel. On voit en effet, que, face à la com­plexi­fi­ca­tion des struc­tu­res, il y a des métiers de plus en plus spé­cia­li­sés. Or, il ne faut pas que l’on se laisse gagner par le tout cultu­rel, ou par le tout admi­nis­tra­tif.

Un autre enjeu est d’éviter une cer­taine forme de « com­mu­nau­ta­ri­sa­tion » des archi­ves, qui seraient mor­ce­lées selon un thème, ou un groupe socio-cultu­rel... Cela remet­trait en cause l’idée, qui nous est chère, du res­pect des fonds, l’idée de la diver­sité des docu­ments. Or, je trouve que la diver­sité du public, dans nos salles de lec­ture, est mer­veilleuse.

Après le temps de la diver­si­fi­ca­tion du public dans les biblio­thè­ques, après le temps des musées, il faut que vienne le temps des Archives ! La fina­lité de notre tra­vail, c’est bien que le public de nos salles de lec­ture aug­mente ! C’est pour cela qu’il faut éviter que les fonds ne soient mor­ce­lés.
Je trouve tou­jours extra­or­di­naire que dans notre salle de lec­ture, il y ait à la fois de futurs archi­tec­tes, des par­ti­cu­liers qui vien­nent se ren­sei­gner sur l’his­toire de leur maison, un cher­cheur aus­tra­lien qui tra­vaille sur l’abo­li­tion de l’escla­vage à Bordeaux, une per­sonne venue de l’autre bout de la France pour faire sa généa­lo­gie ici... Je me dis qu’il n’y a fina­le­ment qu’aux Archives que tous ces gens pou­vaient se retrou­ver !

Un autre enjeu impor­tant est de mieux se faire connaî­tre, de mieux faire connaî­tre nos mis­sions.

6. Quel doit être selon vous le rôle de l’archiviste dans une organisation ?

Je crois que ses mis­sions doi­vent être clai­re­ment iden­ti­fiées au sein de l’orga­ni­sa­tion. Même si nous sommes rat­ta­chés à la Culture, il faut que nos mis­sions admi­nis­tra­ti­ves soient prises en compte, il faut bien les faire com­pren­dre.

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